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- 19 Avril 2021
Contribution de Brieg L. D.
Électrique ou non, une voiture possède une masse d'environ 1,5 t. Pour cela, il faut déplacer environ 70 t de matières premières (les roches dont on extrait le minerai etc). Une pollution énorme. Une grande part des particules fines provient non du pot d'échappement, mais du frottement des pneus. Au delà de 30 km/h, le bruit perçu de la voiture n'est pas celui du moteur mais des pneus, donc l'argument des voitures électriques silencieuses tombe à l'eau. Une voiture, électrique ou non, suppose une énorme infrastructure (parkings, routes, autoroutes) et induit un mode de vie dispendieux (vaste zones commerciales, chaque magasin avec son parking). Les voitures causent 3000 décès directs chaque année. etc.
Avant de faire le procès de l'électrique (qu'elle soit à batterie ou à pile à combustible), il convient de faire, en bonne et due forme, celui de la voiture de manière générale.
Pour dire les choses simplement, il faut enlever environ 19 voitures sur 20 (ce à quoi correspont un objectif de réduction de 95 %), ce qui nous laisse pour ainsi dire les flottes des services publics (bus, police, ambulance, pompiers, collecte des déchets, intervention sur les réseaux). Par pragmatisme (mais on s'éloigne déjà de l'objectif), il faudra sans doute autoriser les véhicules de livraison et ceux des artisans. En tout état de cause, les quotas sont vite consommés, c'est la fin de la voiture individuelle de monsieur et madame tout le monde. Le nombre de voitures doit être plafonné et ce nombre réduit d'année en année. Et, à l'instar de la Chine, tirer au sort les nouvelles cartes grises, prioriser les véhicules les moins polluants (car il n'est pas de véhicule propre) lors de ce tirage.
J'ai travaillé quatre années en tant que consultant dans le secteur de l'électromobilité en Allemagne, au sein d'une administration qui conseillait le ministère des transports du Land de Saxe-Anhalt. Je vous épargne la kyrielle d'études qui feront voir le verre à moitié vide ou à moitié plein pour tel ou tel type de pollution. Retenons ceci : remplacer le tout-automobile au moteur à combustion par le tout-automobile à moteur électrique, ne résout pas la crise écologique, laquelle ne se résume pas au CO2 mais comprend notamment l'artificialisation des sols, la pollution sonore, visuelle, le tarissement des métaux rares.
En conséquence, l'électromobilité n'a à mes yeux de sens que si elle s'inscrit dans la hiérarchie suivante
1) Réduire drastiquement la place de la voiture (horizon 2050, un parc automobile réduit de 95 %)
2) Encourager toutes les mobilités douces (pieds, vélo) et les formes de partage (covoiturage, autopartage, taxi, transports en commun)
3) Rendre électrique ce qui subsiste.
En somme, appliquer au secteur des transports la hiérarchie proposée par l'association Négawatt : sobriété PUIS (et non pas « et ») efficacité PUIS renouvelable.
À propos du 1) de la réduction de la place de la voiture, cela peut se faire efficacement et équitablement (j'insiste sur ce mot très important) par les quotas (limitation des cartes grises comme suggéré) et peut être renforcé par une politique de prix, en soi moins équitable (fin des subventions à l'industrie automobile, taxation accrue de l'énergie fossile comme électrique, prix plancher élevés pour le stationnement, stationnement payant généralisé, augmentation du bonus-malus)
À propos du 2) il existe des limites physiques (cycle de Carnot) à l'efficacité des moteurs à combustion, ce qui explique la tricherie généralisée des constructeurs automobiles. Le discours du salut par le progrès technique (moteurs plus efficaces) sans changement de comportement touche à ses limites. En revanche, un bête site de covoiturage peut permettre de réduire la pollution jusqu'à 80 % (si on roule à cinq au lieu d'être seul), quel que soit le type de voiture (fossile ou électrique, ancienne ou neuve), mais suppose une modification des comportements. Le véritable levier de dépollution se trouve là. C'est aussi le moins populaire.
À propos du 3) toute activité humaine est polluante. Le débat national ne manquera pas de mettre en évidence les pollutions liées à la voiture électrique en concluant qu'elles sont un cran en dessous de la voiture à moteur à explosion, soit. Il n'empêche qu'on ne peut se permettre de produire et recycler des batteries pour 40 M de voitures (alors que les parcs automobiles français comme allemands continuent d'augmenter à raison de 1 % tous les ans, soit la bagatelle de 400 000 véhicules chacun). Cela sera de toute façon pratiquement impossible dans un monde sous contrainte énergétique (pic pétrolier). Il convient donc de suivre la hiérarchie proposée car nous ne serons en mesure (dans les faits, qu'on soit écolos ou non) de produire que le strict nécessaire.
En conclusion, rappelons que le tout automobile s'est fait sur les 70 dernières années, et continue à se faire aujourd'hui. Aucune mesure unique ne saurait défaire à elle seule des décennies de politiques industrielles, d'aménagements urbains, de propagande commerciale et politique. Mon discours n'a rien de miraculeux mais j'espère qu'en 2021 sera fixé le bon cap. Un cap tenable à long terme. Un cap compatible avec les limites des écosystèmes et la finitude des ressources fossiles. Le but doit être d'accepter de bouger moins, moins souvent, moins vite, moins loin, moins spontanément. Bon courage à nous tous. Et des bisous pour m'avoir lu jusqu'au bout.
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Alain Thellier